Je suis maman et je ne protégerai jamais davantage ma fille que mon garçon parce que je ne souhaite pas instaurer la peur dans sa vie et ainsi lui laisser croire qu’elle est faible ou vulnérable.
Enfant puis adolescente, mes parents n’ont pas tenté de me surprotéger et se sont toujours fait un point d’honneur de me rappeler, par leurs paroles comme par leurs gestes, que les hommes et les femmes étaient égaux – ou tout du moins devraient l’être. Je n’ai donc jamais eu peur de prendre les transports en commun le soir, de rentrer seule à la maison une fois la nuit tombée ou d’être accostée par un garçon dans la rue.
J’ai toujours marché la tête haute, le dos droit et ne me suis jamais privée d’une sortie par peur qu’il m’arrive malheur. Je n’ignorais pas que de nombreuses femmes étaient attaquées et agressées mais grâce à l’éducation que j’ai reçue, chaque jour, j’ai revendiqué mon droit à la sécurité en considérant qu’il m’était dû et mon assurance m’a permis d’affronter le monde et de ne jamais m’imposer de limites en raison de mon sexe.
Je ne protégerai jamais davantage ma fille que mon garçon parce que cela renverrait le message que c’est aux filles de prévenir les agressions.
Ça en reviendrait à laisser mes enfants penser que c’est le devoir des femmes de ne pas se mettre en danger plutôt que celui des hommes de les respecter. Alors plutôt que de restreindre ma fille dans sa liberté, je pense que c’est mon garçon que je dois éduquer et espérer qu’un maximum de parents le fassent aussi. Le problème ne vient et ne viendra jamais des filles qui sont violées et surprotéger ma fille en revient à lui laisser croire le contraire.
Je ne protégerai jamais davantage ma fille que mon garçon parce que mon garçon comprendra par la bande qu’il est plus fort et qu’il peut être une menace pour les femmes.
En donnant des droits à mon fils que je ne donne pas à ma fille, je renverrais le message à mon garçon que le monde lui appartient, que le sol sur lequel il marche est d’abord et avant tout le sien avant d’être celui de ma fille. Qu’il a des droits dans ce monde que les filles – et les femmes – n’ont pas. Qu’il peut se permettre tant de choses – dont plusieurs mauvaises – que les parents doivent en protéger leurs filles.
Je ne protégerai jamais davantage ma fille que mon garçon car en la mettant dans une bulle de verre, elle ne sera pas outillée lorsqu’elle la quittera.
Plutôt que de tenter de préserver ma fille des dangers, je veux lui donner les armes nécessaires pour les affronter. Je veux l’aider à construire son estime de soi. Je veux qu’elle sache dire non sans culpabilité. Je veux lui apprendre à poser ses limites. Je veux qu’elle se respecte pour être en mesure de se faire respecter. Je veux qu’elle sache taper du poing sur la table comme dans le visage de celui qui pourrait tenter de l’agresser.
Je souhaite qu’elle vive des expériences difficiles qui ne sont, pour la plupart, pas irréversibles, au cours desquelles je pourrai l’accompagner plutôt que de la priver de tout apprentissage et la laisser se débrouiller du jour au lendemain sans outil quand elle atteindra la majorité.
Je ne protégerai jamais davantage ma fille que mon garçon.
Bien sûr, le risque que des événements graves se produisent subsiste mais la vie présentera toujours des risques. On conduit une voiture alors qu’on sait pertinemment qu’on pourrait mourir dans un accident de la route. On quitte la maison alors qu’on n’ignore pas la possibilité d’être cambriolé. On voyage en avion en sachant qu’on perdrait la vie si l’avion devait s’écraser.
Alors dans l’attente que les parents apprennent tous l’importance du respect et de l’égalité des sexes à leurs enfants, que le monde change et qu’il soit aussi sécuritaire qu’il devrait l’être pour tous, je veux que ma fille soit prévenue et consciente du monde qui l’entoure mais qu’elle ait les mêmes droits que les garçons de cette société parce qu’elle me mérite rien de moins que la liberté.
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